Draps et illusions d’optique : les fantômes s’invitent au Kunstmuseum de Bâle
Une exposition qui mêle science, spiritisme et médias
« Moi, je crois aux gens qui croient aux fantômes ». Eva Reifert, conservatrice et curatrice de l’exposition, répond à la question posée lors de l’émission Vertigo du 27 octobre et affirme que l’on peut croire en ce que l’on ne voit pas. Cette formulation illustre l’esprit du projet Fantômes. Sur les traces du surnaturel, présenté au Kunstmuseum de Bâle et consacré à l’évolution de la figure des spectres du XVIIIe siècle à nos jours.
Quand science, spiritisme et médias se croisent
Eva Reifert précise l’origine de l’image populaire du fantôme : « Cette sorte de fantôme avec le drap blanc date du XIXe siècle et de l’art moderne ». Cette iconographie s’est cristallisée à une époque marquée par de profonds bouleversements : « La religion se retire et les gens sont en recherche de sens », commente la spécialiste.
La rencontre entre science, croyances occultes et médias populaires — tels que la télégraphie ou les premiers enregistrements sonores — a nourri l’imaginaire collectif et inspiré durablement les artistes. Selon la commissaire, ce phénomène résonne avec notre époque où la technologie fascine autant qu’elle déroute.
Des spectres littéraires et mythologiques
Au Kunstmuseum de Bâle, l’exposition propose une expérience immersive, notamment grâce à la technique théâtrale Pepper’s ghost, une illusion d’optique utilisant un miroir semi-réfléchissant et divers éclairages pour faire apparaître puis disparaître un fantôme.
On découvre de nombreuses photographies montrant des personnes posant avec leur fantôme, comme l’image saisissante de la veuve de Lincoln aux côtés du spectre de son mari. L’exposition aborde aussi la représentation de la texture ectoplasmique en photographie, avec des tissus blancs sortant de la bouche ou du corps des sujets.
Une fin ouverte sur l’absence
La littérature n’est pas en reste : l’exposition évoque le fantôme du prophète Samuel dans la Bible, qui apparaît pour annoncer à Saül sa défaite face aux Philistins, ainsi que le célèbre spectre du père d’Hamlet, mis au jour par Shakespeare et qui révèle à son fils les circonstances de son assassinat.
Elle se conclut par une salle vide traversée par un courant d’air, invitant les visiteurs à tirer leurs propres conclusions sur l’expérience du surnaturel et de l’absence.
Propos recueillis par Florence Grivel. Adaptation web : Sébastien Foggiato. Fantômes. Sur les traces du surnaturel, Kunstmuseum de Bâle, jusqu’au 8 mars 2026.