Crise hydrique en Iran : l’idée d’une nouvelle capitale pour sortir de la sécheresse

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Contexte hydrique et proposition de déplacement

Face à une sécheresse persistante, le président Masoud Pezeshkian a évoqué la possibilité de déplacer la capitale iranienne, estimant que le pays n’avait « pas d’autre choix » face à l’urgence hydrique. Dans la mégalopole de Téhéran, environ dix millions d’habitants, l’accès à l’eau devient une préoccupation majeure. « Cela fait neuf mois qu’il n’y a pas eu une goutte de pluie », témoigne Sanaz, 43 ans, lors de l’émission Tout un monde. Elle rappelle que l’eau potable a été coupée à plusieurs reprises cet été et que les barrages sont presque vides, alimentant l’inquiétude pour l’avenir.

Une crise nationale révélée par les régions arides

La capitale n’est pas seule confrontée à la pénurie: certaines zones du pays connaissent déjà une désertification avancée. Le scénario évoqué viserait désormais le sud, sur les bords du golfe Persique, en face de Dubaï, pour accueillir une éventuelle nouvelle capitale.

Une idée ancienne mais non aboutie

Selon l’historien Jonathan Piron, spécialiste de l’Iran et des questions environnementales, ce type de proposition n’est pas inédit: « on en parlait déjà après la guerre Iran-Irak, à la fin des années 1980 ». Il estime toutefois que ce n’est pas une solution durable et que l’Iran demeure prisonnier d’une vision techno-solutionniste fondée sur les barrages et les transferts d’eau, censée sauver le pays.

Des choix politiques lourds de conséquences

Pour Ali Nazemi, professeur d’hydrologie à l’Université Concordia de Montréal, le problème dépasse la seule gestion technique: « la question de l’eau est devenue une affaire de sécurité nationale ». Il note que certains chercheurs en Iran hésitent même à en discuter publiquement de peur d’être accusés d’espionnage. L’inaction des autorités pendant des décennies est présentée comme une part importante de la crise actuelle.

Des racines historiques et des contraintes économiques

Les origines remontent à l’époque du Shah, lorsque l’extractivisme et les grands travaux étaient perçus comme des symboles de modernité. Le régime islamique a ensuite renforcé cette logique, multipliant les barrages et les infrastructures sans plan directeur, au nom de l’autosuffisance et de la reconstruction, selon Jonathan Piron.

Crise écologique et instabilité politique

Aujourd’hui, l’isolement international et les sanctions freinent les réformes durables. Les autorités iraniennes estiment ne pas pouvoir investir suffisamment dans des solutions à long terme, tandis que le pays cherche à préserver son autonomie alimentaire en cultivant des cultures gourmandes en eau comme le riz et la pastèque.

Ali Nazemi avertit que la situation géopolitique avec l’Occident peut aggraver les problèmes: « si la situation géopolitique ne se résout pas, les enjeux vont s’aggraver. Les ressources naturelles et la politique étrangère sont intimement liées, et cela peut affecter le destin d’une nation ».

La contestation citoyenne s’étend: en 2021, les habitants d’Ispahan avaient manifesté contre l’assèchement d’une rivière; cet été, l’opposition signale des rassemblements dans plusieurs provinces, y compris à Chiraz et Téhéran. Jonathan Piron remarque que « les Iraniens sont de plus en plus conscients des enjeux environnementaux », et que leur quotidien est marqué par des contraintes économiques et climatiques qui nourrissent un ressentiment envers le régime.

Des adversaires de la République islamique espèrent tirer parti de cette fragilité. Israël, par la voix de Benjamin Netanyahu, a promis d’envoyer des experts en dessalement et en recyclage de l’eau… si les Iraniens se soulevaient pour renverser leur gouvernement, rappelle-t-on.

Reportage radio: Julie Rausis

Adaptation web: ther